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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Suspecté d'être le n°1 du trafic, il est relaxé

La Justice au pas de course n'est pas celle que je préfère, elle engendre souvent des décisions assises sur des enquêtes mal ficelées et génère donc une potentielle insécurité judiciaire.

Il en va ainsi de beaucoup de procédures de comparution immédiate, comme cette affaire qui m'échoit alors que M. K. est placé en garde à vue pour trafic de stupéfiants et fait appel à mes services.

Originaire de DREUX, il est venu récemment pour tenter de trouver du travail dans la région où il pense qu’il fait meilleur vivre que dans sa ville d’origine.

Mal lui en a pris, car les rencontres qu’il a faites le conduisent devant le tribunal correctionnel pour répondre de faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants.

Puisqu’il vient de DREUX, on s’imagine qu’il est le fournisseur principal d’un réseau local que les enquêteurs ont identifié depuis quelques mois.

Un coup de filet est donc organisé et mon client est interpellé alors qu’il se trouve au volant de sa voiture ; chou blanc, les enquêteurs ne retrouvent pas un gramme de stupéfiants ni un centime d’euros.

Les perquisitions menées chez lui n’aboutissent à rien, tandis que celles menées chez les autres protagonistes permettent de révéler nombre d’armes à feu, quelques kilos de cannabis, quelques centaines de grammes d’héroïne.

Pas une déposition à charge contre mon client n’existe, il faut donc s’en remettre aux seules écoutes téléphoniques pour tenter de démontrer sa culpabilité, ce qui est loin d’être fait à mon sens.

Le Juge des libertés et de la détention, saisie dans le cadre de la procédure de comparution immédiate pour faire patienter tout ce petit monde avant le procès ne se pose pas autant de questions et l’incarcère pour le week-end dans l’attente du jugement le lundi suivant.

Nous sollicitons un délai lors de l’audience qui s’ensuit ; nouveau débat sur la détention provisoire.

Cette fois, les trois magistrats réunis entendent notre argumentaire sur la fragilité des éléments à charge et le fort risque de relaxe, ils décident sagement de remettre en liberté mon client dans l’attente de l’audience au fond, dans trois semaines. Les autres principaux acteurs du dossier repartent à l’ombre.

Vient enfin le moment du procès.

Le Parquet envoie son meilleur élément pour tenter de sauver le bateau ivre de l’accusation, qui fera son possible pour tenter de donner un peu de cohérence à cette enquête mal ficelée.

Mais les éléments manquent pour convaincre, il demande en réalité au Tribunal de suivre son intuition, qui n’est que le prolongement de celle, primitive, des enquêteurs qui ne sont parvenus qu’à sécher lors de l’interpellation.

J’ai beaucoup préparé cette audience, avec l’aide de mon collaborateur qui a dégrossi le dossier, briefé avec moi cette affaire dans laquelle je pense que nous pouvons obtenir une relaxe.

Je décortique en plaidant les moindres recoins du dossier, pointe les zones d’ombres, les manquements de l’enquête, l’absence de preuve, sans oublier de donner des explications qui se veulent cohérentes sur les quelques faibles éléments à charge qui existent malgré tout dans ce dossier.

J’y mets beaucoup de cœur parce que j’y crois. Un peu d’humour aussi peut-être, car je plaide longuement et il faut éviter de lasser l’auditoire dont je souhaite qu’il soit attentif de bout en part.

Je ne connais pas meilleur catalyseur d’attention qu’une bonne note d’humour, qui habilement distillée permet de rattraper l’attention qui somnole.

Je sais aussi pouvoir compter sur une formation exigeante et pointue, présidée par un magistrat qui sait prendre des décisions de façon indépendante.

Cette fois, je suis suivi.

D’ordre général, je ne cherche pas à collectionner les relaxes, je ne les ai d’ailleurs jamais comptées comme certains de mes confrères m’ont confié le faire depuis des années.

Ce qui me motive, c’est lorsque je me suis convaincu que la cause est juste et que je parviens à y rallier les juges.

Ce soir-là en rentrant chez moi, je cède un peu à l’euphorie, j’ai le sentiment du devoir accompli.

On n’a pas que de bons moments dans ce métier, j’apprends à les savourer à leur juste valeur à mesure que le temps passe.

Sur ce sujet, voir l’article suivant : http://www.lanouvellerepublique.fr/Vienne/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2014/05/27/Huit-heures-pour-les-deux-proces-du-trafic-de-stups-1924274

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