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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

L’inquiétante dérive judiciaire anti avocats (pénalistes ?)

Est-ce d’avoir récemment découvert avec stupeur dans un dossier d’instruction des retranscriptions d’échanges téléphoniques entre deux clients me concernant ? Toujours est- il que j’ai l’impression assez désagréable d’une défiance accrue et grandissante de l’appareil judiciaire à l’égard des avocats et en particulier des avocats pénalistes.

Je vous rassure, je ne suis pas en pleine crise de paranoïa et cette impression n’est pas fondée sur ce regrettable et irritant épisode, mais sur un nombre anormalement important d’informations diffuses concernant des attaques en règle contre le métier. Suffisamment anormal pour ne pas être dû au hasard à mon avis.

Premier exemple, la mise en examen il y a quelques mois de notre confrère nordiste Hubert Delarue pour usage de faux au motif qu’il aurait produit une fausse promesse d’embauche… Une ineptie totale quand on sait que nous ne disposons d’aucun moyen de vérification des pièces données par les clients au soutien de leurs prétentions. Alors que les juges qui, eux, disposent du pouvoir et des moyens nécessaires n’effectuent quasiment jamais les vérifications idoines !

Plus récemment, l’écoute téléphonique entre un avocat clairement identifié comme tel et son client a abouti à une interpellation au cabinet lyonnais du premier ; faut-il rappeler que les correspondances entre client et avocats sont censées être soumises au secret ?

Autre exemple il y a quelques jour, la presse relayait cette incroyable histoire d’un juge d’instruction de Châteauroux qui aurait ordonné la filature d’un confrère parisien, Maître Stéphane Sebag, qui a eu la désagréable surprise de retrouver dans un dossier des photos de lui descendant du train, montant dans le taxi, etc. Honnêtement, quand il m’avait conté lui-même cette (més) aventure il y a de cela quelques semaines, je n’y avais cru qu’à moitié tant cela me paraissait gros… On dépasse de loin les limites de l’acceptable.

Que dire encore de ce confrère de la région parisienne condamné en correctionnelle pour avoir adressé trois SMS absolument anodins à un client sur son téléphone portable, alors que celui-ci était détenu (et que l’avocat jure qu’il n’était pas au courant) ? A l’heure où la phrase « t’es où ? » doit être prononcée quelques millions de fois chaque jour en France, témoignant de ce que des millions de compatriotes ne savent pas où se trouve leur interlocuteur à un instant T, l’avocat devrait être équipé d’un 6ème sens, une sorte de radar lui imposant de savoir où se trouve chacun de ses clients quand il les appelle sur leur portable ? Ou bien devrait-il se résoudre à n’appeler que sur des fixes ? Et en pareil cas, devrait-il s’assurer que ledit fixe n’est pas en mode renvoi vers un portable, qui lui pourrait se trouver illégalement détenu dans un lieu de privation de liberté ? On touche le fond.

Pour finir, et c’est à la lecture de cette jurisprudence que m’est venue l’idée de ce billet, car la coupe était pleine, je lisais ce matin même un arrêt de la Cour de cassation de mars 2015 ayant validé une décision d’un tribunal correctionnel d’excuser une injure publique faite à un avocat en pleine audience.

En deux mots : un avocat plaide pour son client et tacle la partie adverse. La femme de la partie adverse, dans le public, se lève et invective l’avocat en ces termes : « salaud ! ». L’avocat la poursuit en correctionnelle pour injure publique envers un particulier. Elle est relaxée, le tribunal ayant retenu l’excuse de provocation. Au prix d’une distorsion des règles spécifiques du droit de la presse que je salue ici. Et d’une motivation à couper le souffle (qui justifierait un article à elle seule).

Sachez-le désormais : toute personne présente à une audience et qui se trouve heurtée par les propos d’un avocat peut l’insulter à l’envi, avec la bénédiction de l’appareil judiciaire.

Prises isolément, ces affaires ne sont que casuistiques.

Seulement, elles ont germé ce derniers mois pour converger vers un même but, porter atteinte aux avocats. A chaque fois d’une manière injustifiée, injuste, même. Et souvent, sinon toujours à l’égard d’avocats pénalistes.

Le plus regrettable dans tout cela se trouve encore dans l’absence de réaction collective forte face à ces attaques, signe que cette profession est incapable de solidarité et d’union, qui pourtant fait la force.

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