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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Victimes d'infractions, attention aux délais pour saisir la Commission d'indemnisation !

Monsieur D. a été victime de violences avec arme le 24 mai 2009. Sa plainte a totalement été délaissée par les services de police, si bien qu’elle n’a fait l’objet d’un classement sans suite que le 20 février 2013, notifié en juin suivant seulement, soit plus de 4 ans après les faits.

Il a subi d’importants préjudices à la suite de cette agression, notamment des séquelles psychologiques, qui lui ouvrent la possibilité, pour obtenir une indemnisation, de saisir la Commission d’ Indemnisation des Victimes d’ Infractions (CIVI). Cette juridiction est chargée de faire peser sur un fonds de garantie l’avance de l’indemnisation des victimes lorsque l’auteur d’une infraction grave est inconnu ou insolvable.

La saisine de la CIVI est enserrée dans des délais très stricts prévus par l’article 706-5 du code de procédure pénale. Cet article dispose que la requête doit être déposée :

-Soit dans un délai de 3 ans à compter de la date de commission de l’infraction,

-Soit dans un délai d’1 an à compter de la décision définitive, lorsque des poursuites pénales ont été engagées.

Dans notre affaire, en l’absence de poursuites engagées, le premier délai pouvait trouver à s’appliquer.

Problème, la décision sur l’existence ou non de poursuites est intervenue après l’écoulement du délai de 3 ans. Il était donc impossible de saisir la CIVI dans le délai.

C’est dans ces conditions que nous avons été consultés par Monsieur D. à la fin de l’année 2013, plus de quatre ans et demi après les faits.

Il existait un moyen de remédier à cette difficulté procédurale, puisque l’article 706-5 in fine du code de procédure pénale prévoit un relevé de forclusion lorsque la victime n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits. C’est en quelque sorte une « excuse » reconnue à la victime pur n’avoir pas saisi la juridiction dans les délais, pour motif légitime.

Notre argumentaire était simple : on ne peut pas reprocher à une victime qui a fait valoir ses droits en déposant plainte d’avoir attendu le résultat de l’enquête. On ne peut pas demander à cette victime d’être comptable du fait que l’enquête ait mis plus de quatre années à être effectuée et son résultat – son absence de résultat – communiqué.

Alors que nous avions obtenu le relevé de forclusion devant la CIVI, après appel du fonds de garantie, la Cour d’appel a réformé cette décision et déclaré notre requête irrecevable pour dépassement du délai de forclusion, estimant que le fait que l’enquête n’ait pas été bouclée dans le délai de 3 ans ne suffisait pas à justifier ce dépassement.

Il aurait fallu que la victime, qui était en droit de penser qu’à la suite de sa plainte, des actes d’enquêtes avaient été effectués ou étaient encore en cours, anticipe sur une absence de poursuites et demande à être indemnisée avant même de savoir quelles suites seraient données à cette plainte ? Inepte.

Clairement, la Justice fait ainsi payer à une victime d’agression sa propre incapacité à respecter un délai raisonnable dans le traitement de sa plainte.

Pour refuser l’indemnisation à la victime, l’Etat a, en quelque sorte, invoqué sa propre turpitude, comme disent les civilistes.

Evidemment, nous engageons un pourvoi en cassation.

Merci à Pierre MARTIN, avocat collaborateur, pour cette rédaction "à 4 mains".

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I
Bonjour, je me trouve dans une situation similaire de refus de relevé de forclusion dans le cas d'une agression à main armée à l'étranger. L'auteur n'a pas fait l'objet de poursuites pénales. Le fonds refuse le relevé de forclusion en disant que même dans un pays étranger (Madagascar) je ne saurai ignorer la loi.... Reste donc à poursuivre en appel pour le motif : aggravation du préjudice , 7 ans après les faits, par la reconnaissance d'un statut handicapé en lien direct et exclusif avec l'agression.. Handicap accordé par la MDPH pour une durée de 5 ans.<br /> Cordialement
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L
Bon courage.