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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

L’innocence, comme la liberté, ne se présume pas, elle se conquiert !

Un confrère bien intentionné, pendant ma suspension disciplinaire, eut un jour l'idée que je vous laisse apprécier de rédiger un faux article de journal qu'il afficha sur le tableau prévu à cet effet dans la salle des avocats du Palais.

C'était un brûlot tout à ma disgrâce, diffamatoire et insultant à souhait, fort mal rédigé, qui transpirait peut-être plus le manque de talent que la méchanceté.

Une formulation me fit pourtant sourire, dans le paragraphe qu'il consacrait aux journalistes à qui il reprochait de rédiger à qui mieux-mieux des "articles ridicules et excessifs à (ma) seule gloire"...

D'humeur légère alors que s'ouvrent mes vacances estivales, j'ai une pensée amusée pour ce confrère quand j'écris à mon tour et à ma propre gloire ce billet sans doute ridicule et excessif, narrant une de mes trop rares réussites d'avocat...;-)

Car je suis à peu près sûr qu'il sera lu par cet esprit chagrin, qui ne doit guère avoir autre chose à faire que suivre mes pérégrinations professionnelles. Il faut en être là sans doute pour avoir eu, d'abord l'idée, puis le temps à perdre pour pondre ce torchon que la pire feuille de chou n'aurait pas publié, tant le contenu et l'indigence stylistique inclinaient à la sévérité du jugement.

Bonnes vacances à tous et bonnes lectures balnéaires!

Il m’échut au mitan de 2013 de défendre deux gosses dont les familles, catastrophées, m’avaient confié le sort après qu’on les plaçât subitement en garde à vue « pour des affaires de sexe ».

Deux braves gosses qui ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait et que j’assistai pendant leurs auditions de garde à vue (ce que je ne fais jamais ou presque) après qu’ils m’eussent indiqué tous deux qu’en off, les policiers qui les transportaient depuis chez eux jusqu’au commissariat leur avaient indiqué disposer d’un dossier en béton contre eux, qu’il ne servait à rien de mentir, car sinon ils allaient être envoyés en foyer ou en prison, dans les deux cas très loin de leurs mamans chéries.

Deux braves gosses qui clamaient leur innocence, deux braves gosses solides, qui l’un comme l’autre ne cédèrent jamais aux blandices d’aveux prétendument libérateurs. Jamais. Jusqu’au bout.

L’affaire n’avait rien de singulier : une jeune femme se présenta un jour au commissariat pour dénoncer des faits de viols.

Elle accusait initialement l’un, puis les deux et même leur copain, raflé en même temps qu’eux pour subir ces 48 heures de garde à vue, qui resteraient à jamais gravées comme le pire souvenir de leur courte existence.

A mesure que l’instruction avança, les éléments de ce dossier fragile, ne reposant que sur les accusations de la plaignante, devinrent de plus en plus suspects.

Il apparut qu’elle avait évolué au cours de ses auditions, parlant initialement d’agressions sexuelles, puis de viol par l’un, puis par deux, puis les trois.

Aux éducateurs chargés de l’assister, elle raconta tout et n’importe quoi. Aux uns qu’elle avait été enceinte, aux autres qu’elle avait perdu l’enfant…

Le premier expert psychiatre, à qui je dus faire parvenir, via le juge et après avoir sollicité un complément de sa mission, l’ensemble des pièces qui démontraient les mensonges éhontés de la plaignante, rendit un rapport mesuré, pointant les incohérences dans le discours de la partie civile.

Son avocate jugea bon de solliciter une contre-expertise, qui nous rendit tout à fait service car le deuxième expert ne fit pas dans la dentelle et fustigea la plaignante, la qualifiant de mythomane et finissant de décrédibiliser toute accusation qu’elle pourrait porter.

La confrontation organisée après cela paracheva le tableau, la victime finit par avouer avoir carrément inventé cette histoire de viol, balbutiant quelques excuses et justifiant son comportement par le fait que si viol il n’y avait pas eu, elle avait quand même subi quelques attouchements... pas plus démontrés que le reste bien entendu.

Nous pensions alors enfin avoir atteint le bout du tunnel, après plus de 18 mois d’un contrôle judiciaire qui avait été acquis de haute-lutte (je n’ose même pas écrire la manière dont celui-ci fut obtenu, moins par modestie que pour éviter toute polémique, nombre de juges étant devenus structurellement très susceptible depuis quelques temps…).

C’était compter sans la promptitude du juge saisi du dossier…à ne rien faire une fois que celui-ci, dans lequel il semblait avoir placé quelque espoir initialement, s’était écroulé comme je le prophétisais depuis le jour du placement en garde à vue.

On appelle cela être mauvais perdant.

Mais à ce point, c’est quand même très dérangeant, car il fallu près de 3 ans en tout pour obtenir un non-lieu annoncé dès le début, tant il fallait être aveugle pour ne pas voir que la plainte était complètement farfelue.

J’ai bien dû demander 10 fois, par écrit, oralement, en fait à chaque audition de l’un de mes clients, que l’on bénéficiât d’un non-lieu.

Mais non, c’est le juge qui a le pouvoir, c’est le juge qui décide qui, quand et comment.

Sans se soucier dans le cas présent des effets infamants de la mise en examen, du contrôle judiciaire (qui avait fini par être levé quand même en milieu d’instruction).

Et puis un jour, sans que l’on sût pourquoi, l’ordonnance de non-lieu atterrit sur mon bureau.

Fin de l’histoire penseraient certains.

Pas mes clients.

Ces trois années d’humiliation, il faudrait bien qu’il en soit rendu compte, qu’elles soient sanctionnées.

Ah ça, sûrement pas en fustigeant l’absence totale de clairvoyance des juges, on sait que cela n’est pas dans nos traditions judiciaires. Si vous ne braquez pas toutes les caméras de télévision sur une affaire, aucune chance d’obtenir quelque excuse et encore moins une indemnisation, sauf à avoir été détenu provisoirement, ce qui n’aurait pas manqué dans ce dossier si nous n’avions pas fait…le forcing, dirons-nous.

Non, la seule responsabilité qui peut être mise en jeu, c’est celle de la partie plaignante, ce que les vraies victimes de ce dossier, placées sous main de Justice pendant 3 ans, n’ont pas manqué de me demander de faire, avec une patience et une détermination encore plus grandes que celles dont elles ont dû faire preuve pour conquérir la reconnaissance de leur innocence.

Nous allons donc solliciter de nouveau les juges, cette fois pour obtenir justice après cette injustice, dans des délais raisonnables me piqué-je encore d’espérer…

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