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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Nouveaux droits en garde à vue, pourquoi dérangent-ils tant?

On m’a récemment demandé mon avis sur l’entrée en vigueur le 15 novembre 2016 de quelques dispositions faisant évoluer les droits des personnes gardées à vue.

Celle qui a fait le plus débat, c’est celle qui consiste à permettre désormais, sous le contrôle total de l’enquêteur, à la personne gardée  à vue de téléphoner à un proche ou son employeur, voire de le rencontrer dans les locaux de la garde à vue, pendant une durée maximum de 30 minutes.

Dire que cette mesure fait débat est un euphémisme ; à l'annonce de son entrée en vigueur, nombre d'Officiers de Police Judiciaire ont écrit aux Parquets Généraux pour demander le retrait de leur habilitation d'OPJ!

On se demande bien pourquoi, si ce n’est par pure opposition de principe des syndicats policiers à l’étendue – elle aussi de principe – des droits des personnes gardées à vue.

Le texte est clair, l’entretien se déroule sous la coupe de l’Officier de Police Judiciaire qui peut y mettre fin à tout moment.

Si l’OPJ considère que cet entretien peut nuire à l’avancée de l’enquête, il en informe le Procureur de la République qui peut s’opposer à sa tenue, il suffit de l’acter en procédure, ce qui ne me semble pas insurmontable en terme de paperasserie nouvelle pour les enquêteurs.

Fin de l’histoire.

Mais alors pourquoi une opposition si farouche ?

Eh bien sans doute parce qu’après l’abandon définitif des violences physiques imposées au gardé à vue (garanti a priori par l’intervention de l’avocat durant les entretiens), la permission accordée au gardé à vue de s’entretenir avec une personne de son entourage fait peser une grave menace sur le dernier élément de contrainte déloyale utilisé en garde à vue pour faire passer un récalcitrant aux aveux : la pression psychologique à type de chantage affectif familial ou professionnel (si tu passes pas à table, tes gosses finissent à la DDASS ce soir, tu perds ton job, etc.).

Qui est intervenu en garde à vue auprès d’un non initié (il faut rappeler que les pressions en garde à vue impressionnent bien plus les primo délinquants que les vieux chevaux de retour du pénal) a pu mesurer combien un simple entretien de 30 minutes avec une personne de confiance – son avocat – peut rebooster une personne au bord du gouffre.

La personne gardée à vue est en situation de faiblesse, c’est un fait. Qu’elle puisse s’entretenir elle-même avec son employeur pour lui expliquer une situation avec ses mots, rendre à la situation un caractère de gravité relatif, c’est un élément qui est de nature à la placer dans de meilleures dispositions pour affronter ensuite cette mesure de contrainte.

Pouvoir s’assurer personnellement que les enfants vont bien, rassurer sa compagne, son entourage, cela va dans le même sens.

C’est un élément de tranquillité et de sérénité, c’en est également un d’humanité. Je ne trouve pas qu’une procédure ait à s’enorgueillir d’aveux obtenus auprès d’une mère de famille terrorisée à l’idée de ne pas trouver ses enfants à la maison en rentrant.

La vérité, c’est surtout que pour obtenir de tels aveux sans pouvoir exercer aucune violence, ni physique ni psychologique, cela demande un vrai travail d’enquête, qui prend en effet plus de temps que de se contenter de faire suer la viande dans le torchon jusqu’à ce qu’elle soit à point pour passer à table.

Aux opposants à ces mesures garantissant plus de droits à ceux, faut-il le rappeler, qui ne sont coupables de rien au stade de la garde à vue, je répondrai qu’il ne faut pas que l’arbre cache la forêt.

Ce qui les ennuie, ce n’est pas qu’il faille ajouter une ligne ou deux à des procès-verbaux de notification de droits stéréotypés et pré rédigés, c’est surtout qu’en rendant l’accès aux aveux moins aisés, on puisse les contraindre à remettre au cœur de l’enquête les véritables investigations qui permettent de construire le bâtiment de la preuve.

Et il n’est pas faux de penser et de dire que pour cela, ce sont des moyens supplémentaires en hommes et femmes de terrain qu’il faudrait engager parallèlement au développement des droits des citoyens.

En somme, militer pour un nivellement par le haut plutôt que par le bas.

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