Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Droit au silence : le faux cadeau du législateur

Encore une occasion de rappeler que le droit au silence est un poison qui révèle une insupportable hypocrisie de plus dans notre système judiciaire.

Lors d’un débat contradictoire chez le juge des libertés et de la détention pour une sombre affaire de vols en bande organisée, j’avais quelque espoir d’obtenir le placement sous contrôle judiciaire de mon client.

De solides garanties de représentation, une instruction qui n’avançait guère depuis une dizaine de mois, des promesses sans cesse renouvelées du Juge d’Instruction d’organiser une confrontation qui n’arrivait jamais, etc.

J’expliquai donc au Président que tous les feux étaient au vert après 18 mois de purge par anticipation qui représentaient sans doute plus que ce que mon client aurait réellement à subir une fois qu’il serait condamné.

Contraint de reconnaître ces états de fait, le Juge me dit tout de go « c’est bien beau tout ça, mais votre client ne s’exprime pas depuis le début de cette affaire, or une confrontation va bel et bien être organisée et il doit s’y présenter pour utiliser cette dernière chance qui lui est donnée de s’exprimer ».

Et d’ordonner le renouvellement de la détention sur ce motif.

Tout bonnement ahurissant.

Je rappelai au Juge que le droit au silence est un droit, qu’il ne peut pas lui être fait grief de l’utiliser, il me répondit goguenard que son droit à lui, c’était d’apprécier que l’utilisation de ce droit au silence posait problème et que cela justifiait, au titre des nécessités de l’instruction, que l’on s’assure de la participation de mon client à cette confrontation.

Une belle démonstration - de nouveau -  du cynisme du binôme législateur/magistrat.

Ou comment créer des droits pour mieux les balancer au visage (quelle pitié de devoir s’exprimer en termes si châtiés lorsque l’on est aussi agacé que je le suis aujourd’hui…) de celui qui ne fait que les exercer.

On intronise l’assistance du gardé à vue par son avocat ? C’est pour mieux pouvoir dire à l’audience que le prévenu aurait mauvaise grâce à contester ses déclarations, puisqu’elles ont été faites en présence de son avocat (qui ne sert à rien d’autre, puisqu’il n’a ni accès au dossier, ni la possibilité de prendre la parole pendant l’interrogatoire).

On légalise le droit au silence, contraints et forcés que l’on est de respecter les règles européennes ? C’est pour mieux tordre la bouche lorsqu’en audience on est obligé de rappeler ce droit au prévenu et c’est dans tous les cas avec l’arrière-pensée (quand ce n’est pas tout bonnement exprimé) que celui qui aurait l’outrecuidance de faire usage de ce droit le paiera chèrement.

N’y a t il pas quelque chose de choquant à constater que le juge, chargé de faire respecter le(s) droit(s), s’arroge la possibilité de faire payer à un justiciable le simple usage de celui-ci ?

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article