« Mesdames, messieurs les jurés, ne questionnez pas votre inexpérience »

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J’ai bien cru que les bras m’en tombaient, lorsque j’ai entendu dans la bouche d’un avocat général, alors que je plaidais devant une cour d’assises pour un homme accusé de l’assassinat de son épouse.

Évidemment, vous aurez déjà compris que cet avocat général n’était pas ce que l’on appelle un senior, mais qu’il s’agissait au contraire d’un magistrat dont cet épineux dossier devait être la deuxième affaire criminelle rencontrée dans a carrière. Qui ne doit pas avoir atteint la trentaine au moment ou j’écris ces lignes.

On me dira qu’aux âmes bien nées, la valeurs n’attend pas le nombre des années… C’est sans doute vrai s’il s’agit de présenter un beau réquisitoire écrit, oral, de le déclamer avec talent. De présenter un argumentaire juridique ciselé.

Mais cela ne l’est surement pas lorsqu’il s’agit d’apprécier les plus de 70 années d’existence d’un accusé au parcours complexe, son rapport à ses parents, à sa famille, à ses propres enfants, aux valeurs que tout cela évoque.

Il faut des capacités d’abstraction pour juger, je l’ai toujours dit. D’ailleurs, ce ne devait pas être le fort de cet avocat général, qui réclamait à grand cri pendant l’audience que l’on diffuse les photos du visage fracassé de la victime, là où tout le monde avait compris que c’était une souffrance inutile à infliger à quiconque.

Mais lorsque l’on se propose de faire l’analyse d’une vie, de déterminer une sanction qui va venir couronner non seulement l’acte criminel mais également son parcours de vie, qu’il me soit donné de penser que l’expérience précisément est un repère, une qualité, une vertu, indispensable pour juger de telles situations.

Qui évite parfois de tomber dans les écueils que sont l’évidence, la certitude.

J’entends encore que l’on doit bien commencer et qu’il faut que jeunesse se passe.

Sans doute, mais pas au préjudice d’accusés et de victimes qui réclament justice.

On pourrait parfaitement imaginer un système dans lequel les jeunes magistrats du Parquet seraient accompagnés sur les procès criminels par un aîné plus expérimenté, ce qui éviterait d’entendre pareilles âneries.

Mais ce n'est pas en enseignant de jeunes gens qu'ils sont l'élite de l’élite qu'on les incline à ce genre d'humilité...