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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Et l’application des peines, elle est réparée ?

Temps de lecture : environ 2 minutes

Les éléments de langage ridicules qu’il conspuait à l’envi semblent être devenu le seul talent qui reste au garde des sceau DUPONT-MORETTI, qui ânonne à qui veut l’entendre depuis des mois qu’il a réparé la Justice. Il est un domaine qui n’est sûrement pas réparé, dont il n’était sans doute pas spécialiste à l’époque où il faisait montre de talents d’un autre tonneau : l’application des peines.

J’ai constaté ces derniers mois que le naufrage en cette matière est total dans certaines juridictions.

On confine au déni de Justice, les décisions n’arrivent plus tardivement, elle n’arrivent plus du tout.

A plusieurs reprises, des clients sont sortis de détention après avoir purgé l’intégralité de leur peine alors qu’ils avaient sollicité leur Juge d’application des peines d’une demande de placement sous surveillance électronique, de semi-liberté ou de libération conditionnelle.

Et pendant ce temps-là, le Ministre se pavane sur les plateaux de télévision avec ses lunettes de réalité augmentée, pitrerie dérisoire censée réparer les violences conjugales, qui aurait sans doute provoqué une de ses célèbres colères quand son sens de la critique était plus aiguisé que son inextinguible soif de lui-même.

Récemment, un client pour le compte duquel j’avais déposé une requête en aménagement de peine il y a .. 10 mois ! m’appelle et me dit que les gendarmes sont chez lui pour l’emmener en prison, sur demande du Parquet. Je demande à parler au gendarme, je tombe sur un homme désabusé, qui m’explique presque contrit qu’il doit conduire Monsieur X en détention, parce que le Parquet a mis a exécution sa condamnation. Je me précipite chez le procureur pour lui expliquer la situation : il est inepte de mettre cette peine à exécution, le JAP est saisi d’une demande d’aménagement qui a toutes les chances d’aboutir, puisque la situation de mon client en terme d’insertion est idéale. Fin de non-recevoir, on m’indique qu’aucun débat contradictoire n’est à l’ordre du jour et qu’on ne va pas attendre sans cesse pour exécuter cette peine. Je fonce chez le JAP pour demander une date de débat contradictoire en urgence. Non seulement on me rit au nez, mais encore est-on manifestement informé de la mise à exécution de cette peine dont la demande d’aménagement est pendante devant le service, puisque la réponse qui m’est faite est que ma requête n’a plus d’objet compte tenu de la mise a exécution de la peine, donc aucun débat contradictoire ne sera programmé, il faut re déposer une demande en milieu fermé cette fois-ci. Ubuesque.

Comme cet autre dossier dans lequel je dépose une requête en mai 2021, pour un débat contradictoire en septembre 2021 ; le dossier est mis en délibéré à quelques semaines, n’est pas rendu, si bien que le client sort après avoir purgé l’intégralité de sa peine. Mais n’ayez crainte, le juge et son greffier auront quand même travaillé… en mars 2022, je reçois une ordonnance de plusieurs pages dactylographiées, indiquant que ma requête est devenue sans objet compte tenu de l’élargissement de mon client… 4 mois auparavant ! Mais une décision aura été rendue, les statistiques du Ministère restent sauves !

Ou cette autre affaire à l’occasion de laquelle j’ai sollicité le JAP d’une demande d’aménagement de peine en hors-débat, car mon dossier est solide et la peine à aménager assez courte. Aucune réaction ; si ce n’est, après lourde insistance de ma part, que je devrais conseiller à mon client de se désister de sa demande, car elle ne serait examinée en débat contradictoire que plusieurs semaines après la commission qui pourrait libérer mon client sous contrainte.

L’application des peines, via les aménagements de peines, est vendue par l’institution judiciaire comme l’outil de réinsertion du système carcéral. Si cet outil est cassé, il ne reste que le système carcéral, que la prison, l’enfermement. Qui elle, n’est génératrice que de frustration, de mauvaises rencontres, de violence, de trafics et j’en passe.

Il faudrait sérieusement penser à remettre le bleu de chauffe et à réparer cet outil, pas simplement à scander que la machine entière est réparée, parce qu’au contact de la réalité, on s’aperçoit qu’on est encore loin du compte ; que dans ce domaine essentiel -pas politiquement, non, mais socialement -  tout est à faire ou refaire.

 

 

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